“Il est possible de faire du logement dans les endroits où le foncier est cher.”

Depuis 2018, Matthieu Hoarau, directeur de l’Agence régionale Ile de la Réunion-Océan Indien de la Fondation pour le Logement des Défavorisés échange avec Pierre-Yves Pujo-Sausset et Charles Le Gac, de Soliko, pour identifier des solutions à la problématique très sévère du mal-logement sur l’Ile de la Réunion. Et finalement, c’est en seulement 4 mois que l’immeuble du 13 rue Bouvet est devenu une Maison Relais temporaire accueillant 9 personnes isolées et en errance au cœur de Saint-Denis-de-la-Réunion.

L'immeuble est situé au cœur de Saint-Denis-de-la-Réunion, ce qui permettra l'insertion des locataires. (Photo : Morgan Fache)

« 3 réunionnais sur 10 sont mal-logés »

« 100 000 personnes sont mal-logées à la Réunion, soit 3 réunionnais sur 10. 4/10 gagnent moins de 1000€ par mois. » explique Matthieu Hoarau. « Il y a un fort enjeu de pouvoir produire du logement et du logement très social. Il y a plus de 30 000 demandeurs et la grande majorité est éligibles au très social. Pourtant la production de logements dîts Logements à Loyer Très Social à destination des plus modestes a diminué de 44%. Il y a un enjeu à produire des logements durables, de qualité, bien ventilés, adaptés à la variation d'un climat tropical, entre chaleur, froid et humidité. Contrairement à ce que l'on peut penser, il fait froid à la Réunion l'hiver. Il y a des tempêtes tropicales, des fortes pluies. Et il y a des gens vivent dans leur voiture, dans des squats. Un SDF a même été emporté par les flots, l’année dernière. » La Fondation et ses partenaires essaient de répondre aux besoins, parfois en utilisant des montages juridiques et financiers inédits, comme c’est le cas pour ce projet.

Cet immeuble entièrement rénové en 2018 pour y faire des locations saisonnières est repéré dans une agence immobilière par Allons Déor, une association réunionnaise partenaire de la Fondation pour le Logement des Défavorisés qui met en pratique les outils du Logement d’abord dans l’île. Alors en phase de création d’une Maison Relais dans la ville voisine de La Possession, l’association souhaitait créer une structure provisoire pour sanctuariser ses financements. En 2023, lors de l’ouverture de la nouvelle Maison Relais, les 9 logements seront maintenus dans le parc à vocation sociale et gérés par Allons Déor. Un accompagnement social sera également assuré par des partenaires.

« Situé en centre-ville, l’immeuble était aussi géographiquement propice à l’inclusion : mobilité, accès aux services administratifs, à la santé, prestations de quartier… » précise Matthieu Hoarau « Par ailleurs se trouvent à proximité plusieurs structures d’action sociale : notre Boutique Solidarité et notre siège, mais aussi la Maison de la Fraternité, un accueil de jour géré par le CCAS de Saint-Denis. ».

« Un bel exemple de collaboration »

Ce projet abouti grâce à la bonne complémentarité des acteurs : Allons Déor pour la gestion du bien, le bailleur social « Semac » pour la gestion des travaux, l’accompagnement de la Fondation pour le Logement des Défavorisés et l’achat du bien par Soliko. « C’est vraiment un bel exemple de collaboration entre plusieurs partenaires qui va jusqu’au bout puisque nous avons même établi un partenariat avec le groupe Allianz qui propose aux locataires une assurance logement à très bas prix. » précise Eddy Hamel, directeur de l’association Allons Déor qui gère désormais l’immeuble.

« Avec ce projet, on voulait montrer qu’il est possible de faire du logement abordable et de qualité pour les personnes à faibles revenus dans les endroits où le foncier est cher. » précise Matthieu Hoarau. « Le manque de production est lié à de nombreux facteurs : manque de fonds propres, montages financiers qui incluent les dispositifs de défiscalisation propres à l'outre-mer et/ou difficultés liées à l’importation des matériaux qui engendre des surcoûts… Il y a structurellement un taux de vacance de 9% soit plus de 30 000 logements. Aujourd’hui, les causes de la vacance ne sont pas très bien identifiées par les acteurs car cette problématique n'a pas fait l'objet d'une prise en compte efficiente. Il y a de la spéculation dans certains endroits, des problématiques de transmission avec les indivisions et des propriétaires qui n’ont pas la possibilité financière de réhabiliter leur logement. »

Pour Allons Déor et la Fondation pour le Logement des Défavorisés, ce projet doit être un exemple inspirant pour l’île dans l’objectif d’accélérer la mise en œuvre du Logement d’abord (dont le principe est de permettre aux personnes à la rue d’en sortir en accédant directement à un logement, facteur d’inclusion social, plutôt que d’avoir un parcours résidentiel chaotique dans l’hébergement d’urgence) et de faire de la Réunion un territoire « zéro personne sans-domicile-fixe ». Cet objectif est partagé par la Préfecture et le Département de la Réunion qui l'ont repris, notamment depuis que La Réunion fait partie des nouveaux territoires de mise en œuvre accéléré du plan logement d’abord et de lutte contre le sans-abrisme. L’inauguration du 14 décembre 2021 a permis de resserrer les liens avec des partenaires intéressés par le projet. Une première rencontre avec des élus et techniciens des collectivités, de salariés des bailleurs sociaux, d’acteurs de la lutte contre le mal-logement est maintenant prévue avec l’ambition de reproduire ce type de montage juridique et financier pour enfin accélérer la production de logements sociaux pour les très modestes, dans l’île.

Les propos de Vincent, Ludovic et Eddy Hamel recueillis par Delphine Picard.

En savoir plus sur le projet

Soliko a acheté cet immeuble de 468m2 constituée de 10 logements pour 1,05M€. Seuls 28 000€ de travaux ont été réalisés pour la mise en sécurité du bien.

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